Filareto Kavernido : Différence entre versions
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<blockquote>''Une économie collective basée autour de l'horticulture, de l'élevage des poulets, de cultures vivrières et de petits artisanats aptes à satisfaire une vie assez ascétique"<ref name="#cors">F. Merdjanov, ''L'équation corse à la lumière de l'inconnue macédonienne. Précis de nihilisme montagnard et de contre-imaginaire historique'', date inconnue - [http://analectes2rien.legtux.org/images/PDF/CORSE_MACEDOINE.pdf En ligne]</ref></blockquote> | <blockquote>''Une économie collective basée autour de l'horticulture, de l'élevage des poulets, de cultures vivrières et de petits artisanats aptes à satisfaire une vie assez ascétique"<ref name="#cors">F. Merdjanov, ''L'équation corse à la lumière de l'inconnue macédonienne. Précis de nihilisme montagnard et de contre-imaginaire historique'', date inconnue - [http://analectes2rien.legtux.org/images/PDF/CORSE_MACEDOINE.pdf En ligne]</ref></blockquote> | ||
− | Filareto fait paraître une nouvelle écrite en langue ido sous le titre ''La Raupo'', la chenille<ref>Filareto Kavernido, ''La raupo'', 1926. Texte en ido, en allemand et en castillan [https://filareto.info/es/oruga/ en ligne]</ref>. Les accusations d'attentats à la pudeur, les difficultés d'une vie en autonomie, les tracasseries administratives pour le séjour des étrangers et les dissensions internes poussent le restant de la communauté à l'installer en Corse en 1927, près d’Ajaccio, au lieu-dit "Les Baraques", villa Miramar, sur les contreforts de la Punta Pozzo di Borgo. Selon le journal ''L'En-Dehors''<ref>''L'En-Dehors'', n°110-11 du 1<sup>er</sup> juin 1927 [http://filareto.info/blog/item/presse-lendehors-1927-110/ En ligne]</ref>, en avril 1927, ils sont 30 à vivre dans la communauté communiste-anarchiste : 8 hommes<ref>4 allemands dont Filareto Kavernido, Carl Uhrig et Alois Schenk, 2 bulgares, 1 tchèque et 1 français</ref>, 4 femmes | + | Filareto fait paraître une nouvelle écrite en langue ido sous le titre ''La Raupo'', la chenille<ref>Filareto Kavernido, ''La raupo'', 1926. Texte en ido, en allemand et en castillan [https://filareto.info/es/oruga/ en ligne]</ref>. Les accusations d'attentats à la pudeur, les difficultés d'une vie en autonomie, les tracasseries administratives pour le séjour des étrangers et les dissensions internes poussent le restant de la communauté à l'installer en Corse en 1927, près d’Ajaccio, au lieu-dit "Les Baraques", villa Miramar, sur les contreforts de la Punta Pozzo di Borgo. Selon le journal ''L'En-Dehors''<ref>''L'En-Dehors'', n°110-11 du 1<sup>er</sup> juin 1927 [http://filareto.info/blog/item/presse-lendehors-1927-110/ En ligne]</ref>, en avril 1927, ils sont 30 à vivre dans la communauté communiste-anarchiste : 8 hommes<ref>4 allemands dont Filareto Kavernido, Carl Uhrig et Alois Schenk, 2 bulgares, 1 tchèque et 1 français</ref>, 4 femmes et 18 enfants<ref>Elisabeth Burkhardt 1 (1919), Gerhard Schöndelen et Agnès "la grande" 4 (entre 1918 et 1925), Filareto Kavernido et Amalia Michaelis ont 5 enfants (entre 1921 et 1926), Gerhard Schöndelen et Elisabeth Burkhardt 2 (1925 et 1927), Alois Schenk et Anna Beyer 1 (1927), Hannchen Gloger 5</ref>. En janvier 1928, un groupe d'allemands et de suédois de la Kaverno rejoint la Corse. |
<blockquote>''Nous sommes des communistes et non point des individualistes. Parmi nous l'importance fondamentale est attribuée au milieu, tandis que l'individu ne compte que comme moyen de construction et de développement. Dans le cadre de cette construction sociale, nous laissons à l'individu l'initiative personnelle, parce que nous croyons que c'est plus avantageux pour le développement de la communauté que le système autoritaire ; et c'est pour cela que nous nous dénommons "anarchistes". De cette conception résulte que nous comprenons par bien-être, une vie de dur travail, laquelle ne nous surmène pas, mais nous fortifie physiquement et moralement. Nous n'avons point adopté de régime spécial de nourriture. Nous n'avons pas le temps de nous occuper de questions qui n'intéressent que le goût personnel du palais d'hommes qui ne pensent à rien d'autre qu'aux besoins de leur estomac et à leur commodité, qu'ils cherchent vainement à cacher sous des théories "scientifiques". Nous mangeons ce qui coûte le moins cher et nous donne la plus grande force pour pouvoir créer. Malgré tout notre communisme nous ne sommes pas des altruistes. Nous ne nous occupons point des souffrances des autres. Nous vivons une vie qui nous plaît et nous laissons à chacun la liberté de vivre avec nous si cette vie peut lui plaire ; mais nous ne promettons à personne que ce qui nous semble être le paradis à nous, l'est aussi pour lui, vu la différence des opinions sur ce point. Notre vie sexuelle est réglée selon le principe de la liberté absolue de l'individu. C'est précisément la dernière expérience d'un camarade venu qui me fait préciser notre point de vue. Ce camarade me disait qu'il croyait trouver ici un milieu émancipé où l'on vive selon la maxime "toutes à tous et tous à toutes", et il s'est montré fort ennuyé de ne pas trouver dès son arrivée une femme "libre" pour lui. Il prétendait que le besoin sexuel est un besoin aussi naturel et important que le besoin de manger, et qu'une société communiste doit pourvoir à ses besoins. Une société anarchiste n'est pas une maison de prostitution où l'on peut économiser les frais, sans courir les risques d'infection. Il me faut encore ajouter encore que nous ne sommes point des révolutionnaires ni des "lutteurs de classe", que nous n'aspirons point à construire une société de culture prolétaire. Nous sommes d'avis que l'anarchiste n'a absolument rien à faire avec la politique, nous assimilons un anarchiste révolutionnaire à un "végétalien carnivore". L'anarchiste, selon notre avis, n'a pas le droit de molester autrui. Selon nous, il ne lui reste rien à faire que quitter la société qui ne lui plaît plus, se bâtir une vie qui lui donne la satisfaction cherchée, pourvu qu'il soit assez fort pour cette tâche ; s'il ne l'est pas, il doit se résigner ― ou se pendre ― ou encore devenir bolcheviste.''<ref>''L'En-Dehors'', n° 115, 15 août 1927 [http://filareto.info/blog/item/presse-ld-1927-115/ En ligne]</ref>.</blockquote> | <blockquote>''Nous sommes des communistes et non point des individualistes. Parmi nous l'importance fondamentale est attribuée au milieu, tandis que l'individu ne compte que comme moyen de construction et de développement. Dans le cadre de cette construction sociale, nous laissons à l'individu l'initiative personnelle, parce que nous croyons que c'est plus avantageux pour le développement de la communauté que le système autoritaire ; et c'est pour cela que nous nous dénommons "anarchistes". De cette conception résulte que nous comprenons par bien-être, une vie de dur travail, laquelle ne nous surmène pas, mais nous fortifie physiquement et moralement. Nous n'avons point adopté de régime spécial de nourriture. Nous n'avons pas le temps de nous occuper de questions qui n'intéressent que le goût personnel du palais d'hommes qui ne pensent à rien d'autre qu'aux besoins de leur estomac et à leur commodité, qu'ils cherchent vainement à cacher sous des théories "scientifiques". Nous mangeons ce qui coûte le moins cher et nous donne la plus grande force pour pouvoir créer. Malgré tout notre communisme nous ne sommes pas des altruistes. Nous ne nous occupons point des souffrances des autres. Nous vivons une vie qui nous plaît et nous laissons à chacun la liberté de vivre avec nous si cette vie peut lui plaire ; mais nous ne promettons à personne que ce qui nous semble être le paradis à nous, l'est aussi pour lui, vu la différence des opinions sur ce point. Notre vie sexuelle est réglée selon le principe de la liberté absolue de l'individu. C'est précisément la dernière expérience d'un camarade venu qui me fait préciser notre point de vue. Ce camarade me disait qu'il croyait trouver ici un milieu émancipé où l'on vive selon la maxime "toutes à tous et tous à toutes", et il s'est montré fort ennuyé de ne pas trouver dès son arrivée une femme "libre" pour lui. Il prétendait que le besoin sexuel est un besoin aussi naturel et important que le besoin de manger, et qu'une société communiste doit pourvoir à ses besoins. Une société anarchiste n'est pas une maison de prostitution où l'on peut économiser les frais, sans courir les risques d'infection. Il me faut encore ajouter encore que nous ne sommes point des révolutionnaires ni des "lutteurs de classe", que nous n'aspirons point à construire une société de culture prolétaire. Nous sommes d'avis que l'anarchiste n'a absolument rien à faire avec la politique, nous assimilons un anarchiste révolutionnaire à un "végétalien carnivore". L'anarchiste, selon notre avis, n'a pas le droit de molester autrui. Selon nous, il ne lui reste rien à faire que quitter la société qui ne lui plaît plus, se bâtir une vie qui lui donne la satisfaction cherchée, pourvu qu'il soit assez fort pour cette tâche ; s'il ne l'est pas, il doit se résigner ― ou se pendre ― ou encore devenir bolcheviste.''<ref>''L'En-Dehors'', n° 115, 15 août 1927 [http://filareto.info/blog/item/presse-ld-1927-115/ En ligne]</ref>.</blockquote> |
Version du 2 novembre 2018 à 17:12
Filareto Kavernido. [En cours de rédaction]
a-NormalitéHeinrich Göldberg naît le 24 juillet 1880 après JC[1] à Berlin dans une famille moïsienne[2] aisée, d'une copulation entre deux hominines, Ludwig Göldberg et Elisa Karfunkel. Comme son père il entreprend des études de médecine. Il étudie à Berlin et à Fribourg, et se spécialise en psychiatrie et en gynécologie, puis s'installe comme médecin dans un hôpital berlinois. Il se marie et co-créé une enfant avec cette compagne maritale. Alors qu'il mène la vie bourgeoise d'un médecin berlinois, Göldberg découvre les écrits de Friedrich Nietzsche qui sont pour lui plus qu'une révélation. Vers 1910 il rompt avec le judaïsme et se déclare agnostique, puis quitte son travail, sa femme et sa fille. Il apprend l'ido, une forme d'espéranto[3] réformé, dont il veut faire sa langue de communication et approfondit ses réflexions philosophiques. L'individu et ses interactions avec les autres sont au centre de ses préoccupations. Après la fin de la Première guerre mondiale, entouré de quelques hominines de tout genre, Göldberg met en place une "communauté de vie" près de Berlin, une sorte de commune libre du nom de "La Kaverno di Zaratustra" (La Grotte de Zarathoustra en langue ido). La Kaverno di ZarathustraAvec barbe et cheveux longs, Heinrich Göldberg abandonne nom et prénom pour dorénavant se faire appeler Filareto Kavernido, de Filareto "l'ami de la vertu" et Kavernido en référence à la grotte de Zarathoustra.
Filareto décrit et publie sa vision théorique et philosophie dans Mitteilungsblätter aus Zarathustras Höhle. Les textes de ces Bulletins de la grotte de Zarathoustra sont divisés en trois parties thématiques[5] et mélangent communisme agraire, anarchisme et sur-hominine nietzschéen. La Kaverno di Zarathustra survit difficilement et Filareto est régulièrement inquiété par les autorités allemandes qui le suspectent de réaliser des avortements clandestins. Ce qui est alors formellement interdit. Il fait quelques passages en prison pour des infractions aux bonnes mœurs et son "comportement marginal" lui vaut régulièrement d'être accusé de "dérangement mental". Finalement, en 1925, Filareto doit fuir l'Allemagne pour ses pratiques d'avortement et se réfugie en France. Il y rencontre E. Armand[6], rédacteur du journal anarchiste L'en-dehors, avec qui il maintiendra des liens pendant des années. La petite communauté de la Kaverno quitte l'Allemagne en 1926 et "logiquement [...] suit la route solaire de Nietzsche et s'installe dans l'arrière-pays niçois"[7], à Tourettes-sur-Loup, au nord-est de Nice. Elle prône la nudité et l'amour libre.
Filareto fait paraître une nouvelle écrite en langue ido sous le titre La Raupo, la chenille[9]. Les accusations d'attentats à la pudeur, les difficultés d'une vie en autonomie, les tracasseries administratives pour le séjour des étrangers et les dissensions internes poussent le restant de la communauté à l'installer en Corse en 1927, près d’Ajaccio, au lieu-dit "Les Baraques", villa Miramar, sur les contreforts de la Punta Pozzo di Borgo. Selon le journal L'En-Dehors[10], en avril 1927, ils sont 30 à vivre dans la communauté communiste-anarchiste : 8 hommes[11], 4 femmes et 18 enfants[12]. En janvier 1928, un groupe d'allemands et de suédois de la Kaverno rejoint la Corse.
Les relations interindividuelles entre les hominines de la Kaverno ne sont pas faciles. Une des membres de la communauté, arrivée en janvier 1928, semble avoir des difficultés à partir et va même se plaindre à la gendarmerie à la mi-février qu'elle ne peut récupérer ses affaires personnelles. La place centrale que Filareto se donne est un sujet de discorde mais celui-ci rétorque des arguments assez classiques qui nient la complexité des rapports de pouvoir et ne voient plus les individus mais sa seule individualité :
Filareto est de nouveau inquiété par la justice qui lui reproche son nudisme et des avortements clandestins. Il est accusé de "viol d'avortement et outrage public à la pudeur" et mis en préventive à la prison d'Ajaccio le 2 octobre 1928. Il est jugé le 26 avril 1929, condamné à 6 mois pour le seul "outrage à la pudeur" et libéré le jour même[15]. Sa feuille d'écrou mentionne qu'il est arrivé et est sorti habillé de la prison : "veste kaki, pantalon noir, chemise blanche, sandales". Les procès-verbaux sont signés Filareto Kavernido et non Heinrich Göldberg. Il semble qu'il y ait eu échange d'informations entre les polices allemande et française. En effet, une note du commissaire spécial pour le Service des étrangers signale que Filareto "avait été interné à l'hospice civil pour aliénation mentale"[8]. La Kaverno sort très affaiblie de cet emprisonnement. La décision est prise de partir en Haïti pour y retenter une nouvelle expérience. Trois hominines adultes - dont Filareto - et quatre enfants [16] s'embarquent dans la seconde moitié de 1929 vers les Caraïbes. Mais à leur arrivée en Haïti, ils sont immédiatement expulsés. Ils décident alors de passer la frontière pour se rendre à Saint-Domingue et se fixent finalement en colonie agricole dans le nord, à Arroyo Frio près de Moca. Un terrain est défriché, une cabane construite et quelques cultures sont mises en terre. Filareto devient progressivement médecin itinérant, tentant de soigner au mieux, sans médicaments ni instruments. Des travaux pour construire un petit dispensaire sont lancés. Grace à une machine à écrire, Filareto parvient à sortir des tracts et des brochures sur sa vision de la Kaverno. Il entretient des liens épistolaires réguliers, avec L'en-dehors de E. Armand, par exemple, à qui il fait parvenir de petits compte-rendus sur la vie de la Kaverno.
Lors d'une conférence publique à Moca consacrée à expliquer les buts et les fonctionnements de la Kaverno, Filareto attire l'attention des autorités par ses discours contre l’État. En avril 1933, le rapport remis au président dominicain sur les activités "subversives" de la colonie préconise sa dissolution. Le 16 mai 1933, Filareto Kavernido est mystérieusement enlevé par deux inconnus masqués. Il est retrouvé mort de deux balles de revolver le lendemain. Notes
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