Nanette Escartefigues : Différence entre versions
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Suzanne Escartefigues est interrogée le 23 thermidor XI (11 août 1803)<ref>''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 539</ref> mais, rapidement disculpée par la balance, elle est libérée le 23 fructidor XI (10 septembre 1803). Thérèse Préveraud, la mère, est interrogée le 28 fructidor XI (15 septembre 1803<ref>''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 598</ref>. Elle déclare ne rien savoir à propos d'objets volés et dit ne pas connaître qui sont le ou les amants de sa fille Nanette. Cette dernière est interrogée le 30 fructidor XI (17 septembre 1803 )<ref>''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 604 - [ En ligne]</ref>. Le juge la questionne pour savoir si elle a connaissance de la présence d'objets volés chez elle et si elle connaît Tisté Penas, son supposé amant. Elle nie pour les objets, admet connaître Tisté Penas qui cultive depuis trois ans des lopins de terre de la famille Escartefigues-Gacon mais sans pour autant le présenter comme son "amoureux". Comme il se doit en de telles circonstances, Nanette ne sait rien, ne dit rien. Ne jamais dire quoi que ce soit à la justice ou la police est le maître mot. Reprenant les mots - ci-dessus - de "Turrier", le juge insiste sur son hypothétique pratique de la prostitution, ce qu'elle rejette catégoriquement. Des trois mise en cause, seule Nanette n'est pas confrontée au délateur "Turrier". | Suzanne Escartefigues est interrogée le 23 thermidor XI (11 août 1803)<ref>''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 539</ref> mais, rapidement disculpée par la balance, elle est libérée le 23 fructidor XI (10 septembre 1803). Thérèse Préveraud, la mère, est interrogée le 28 fructidor XI (15 septembre 1803<ref>''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 598</ref>. Elle déclare ne rien savoir à propos d'objets volés et dit ne pas connaître qui sont le ou les amants de sa fille Nanette. Cette dernière est interrogée le 30 fructidor XI (17 septembre 1803 )<ref>''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 604 - [ En ligne]</ref>. Le juge la questionne pour savoir si elle a connaissance de la présence d'objets volés chez elle et si elle connaît Tisté Penas, son supposé amant. Elle nie pour les objets, admet connaître Tisté Penas qui cultive depuis trois ans des lopins de terre de la famille Escartefigues-Gacon mais sans pour autant le présenter comme son "amoureux". Comme il se doit en de telles circonstances, Nanette ne sait rien, ne dit rien. Ne jamais dire quoi que ce soit à la justice ou la police est le maître mot. Reprenant les mots - ci-dessus - de "Turrier", le juge insiste sur son hypothétique pratique de la prostitution, ce qu'elle rejette catégoriquement. Des trois mise en cause, seule Nanette n'est pas confrontée au délateur "Turrier". | ||
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Au long de ces procédures qui eurent lieu de la fin de l'an XI au début de l'an XII, 293 personnes - 56 femmes et 237 hommes - sont entendues, soit en tant que témoin, soit en tant que mise en cause. Parmi ces dernières, la plupart sont issues des couches sociales les plus pauvres et en grande partie illettrées<ref name="#instru" />. Sur 56 femmes, 54 - dont Nanette - déclarent ne pas savoir signer, 2 savent. Sur 237 hommes, 132 ne savent pas et 105 savent. Sur ce dernier chiffre, il est a remarqué que 41 font partie des classes "bourgeoises"<ref>Maurice Agulhon, "Les notables du Var sous le Consulat", ''Revue d'histoire moderne et contemporaine'', tome 17, n° 3, 1970 - [http://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1970_num_17_3_2105 En ligne]</ref> et qu'elles sont entendues en tant que témoin. | Au long de ces procédures qui eurent lieu de la fin de l'an XI au début de l'an XII, 293 personnes - 56 femmes et 237 hommes - sont entendues, soit en tant que témoin, soit en tant que mise en cause. Parmi ces dernières, la plupart sont issues des couches sociales les plus pauvres et en grande partie illettrées<ref name="#instru" />. Sur 56 femmes, 54 - dont Nanette - déclarent ne pas savoir signer, 2 savent. Sur 237 hommes, 132 ne savent pas et 105 savent. Sur ce dernier chiffre, il est a remarqué que 41 font partie des classes "bourgeoises"<ref>Maurice Agulhon, "Les notables du Var sous le Consulat", ''Revue d'histoire moderne et contemporaine'', tome 17, n° 3, 1970 - [http://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1970_num_17_3_2105 En ligne]</ref> et qu'elles sont entendues en tant que témoin. |
Version du 1 avril 2018 à 16:03
[En cours de rédaction] Anne "Nanette" Catherine Escartefigues. Parfois aussi écrit scarchefigue, le terme escartefigue désigne la fauvette becfigue, grande consommatrice de figues qu'elle éventre pour en manger l'intérieur. Le verbe occitano-provençal escarchar signifie "déchirer", "mettre en lambeaux".
SommaireFille du rienAnne Catherine Escartefigues naît le 18 janvier 1774 dans le village de Saint-Martin de Pallières (Var). Surnommée "Nanette", elle est la dernière-née du couple Joseph "Martegau" Escartefigues et Thérèse Justine Préveraud qui ont déjà procréé cinq autres enfants depuis leur mariage en 1762 - quatre mâles et une femelle, selon l'état civil, nés entre 1763 et 1772[1]. Des deux précédents mariages de son père, Nanette possède quatre demi-sœurs qui sont déjà toutes mariées. Martegau exerce le métier de charbonnier et Thérèse celui de blanchisseuse.Après la mort de Joseph en octobre 1774, Thérèse Préveraud se remarie avec François "Franciau" Gacon, charbonnier de métier. La famille recomposée habite une maison à Saint-Martin de Pallières appartenant à Joseph Icard (Ycard) qui y vit aussi et y tient une auberge. En 1788, Suzanne, la sœur de Nanette, se marie avec Claude Gacon et quitte le village pour s'installer à Cuers. Mais après la mort de Claude, elle part s'installer en septembre 1800 à Aix. Elle trouve un travail de domestique chez un charcutier de la ville et n'a que très peu d'occasion de retourner voir sa famille dans le Var. Lorsque le dernier de la fratrie à se marier en 1794 quitte la maison familiale, Nanette reste avec sa mère et son parâtre. Elle exerce aussi l'activité de blanchisseuse pour survivre. Sans savoir si cela relève de la "rumeur" publique et du dénigrement ou d'une réalité, elle "jouit dans le pays de la réputation d'une fille débauchée" selon deux de ses voisines[2], dont l'une d'elles sous-entend que Nanette est une prostituée. Rien de plus n'est connu de la vie de Nanette à cette époque. Mi-novembre 1802, profitant de l'absence du parâtre, deux inconnus s'introduisent dans la maison, menacent Thérèse et violent par deux fois Nanette[3]. Enrobage historiqueVar dévariéLe redécoupage administratif de la Provence après la Révolution française de 1789 et l'annexion de nouveaux territoires[4] instaure à la place quatre départements : les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, les Basses-Alpes et le Var[5]. Dans la région, les oppositions entre royalistes et républicains donnent lieu parfois à des affrontements armés, des pillages ou des assassinats ciblés. La loi du 23 août 1793 sur les réquisitions est votée afin de faire face aux besoins de nouveaux soldats pour se battre contre les anglais et les espagnols, soutiens de la monarchie déchue. Tous les hominines mâles sont ainsi invités à venir gaiement donner leurs vies pour la "patrie en danger". Beaucoup refusent. Ceux qui le peuvent parviennent à fuir à l'étranger, d'autres se cachent dans les grandes villes et d'autres encore préfèrent se réfugier dans les arrière-pays de la côte méditerranéenne varoise. La loi du 4 nivôse IV punit de la peine de mort quiconque incite à la désertion, à rejoindre l'ennemi ou des bandes de brigands et rebelles. Celle du 24 brumaire VI punit d'une amende et de un an ou deux ans de prison toute personne accusée d'avoir caché un "réquisitionnaire" ou aidé à son évasion. Les incitations à rejoindre les rangs de l'armée française sont multiples, faisant appel aux sentiments patriotiques, à la crainte d'une répression féroce ou à un argumentaire qui fit perdre la tête à Olympe de Gouges[6] :
Les guerre napoléoniennes accentuent la pression contre les jeunes hominines mâles, toujours plus nombreux à mourir pour les rêves de grandeur du nouvel empereur, toujours plus nombreux à refuser de rejoindre les armées. Contraints à une certaine forme de clandestinité, de jeunes varois déserteurs (ou réquisitionnaires) de l'arrière-pays s'organisent en bandes pour résister aux militaires qui les traquent. Régulièrement rejoints par des citadins, déserteurs eux-aussi ou "malfrats", à la recherche d'une vie plus "paisible" ? Se forment ainsi des bandes de brigands qui multiplient les attaques contre des convois postaux, des marchands et des marchandises en transit, les vols dans des maisons isolées et s'affrontent régulièrement avec des militaires qu'ils n'hésitent pas à abattre.
De part sa configuration géographique, l'arrière-pays fournit un endroit idéal pour qu'y apparaisse des phénomènes de brigandage :
Les tentatives de venir à bout de ce phénomène par une présence militaire accrue, via des patrouilles et des battues, ne suffisent pas à éradiquer les différentes bandes qui se constituent et n'hésitent pas à s'unir au gré des opportunités et des "bons-coups". Énervées, les autorités française désignent les arbres bordant les chemins nouvel "ennemi intérieur" dont il faut se débarrasser. Le 19 pluviôse VIII, le commissaire du département des Basses-Alpes ordonne aux administrateurs des cantons situés dans l'arrondissement de Digne de faire couper jusqu'à soixante toises (une centaine de mètres) les bois longeant certaines routes. Contrairement à quelques petites bandes royalistes actives dans la région, les brigands n'ont pas de revendications politiques. D'après Joseph-Marie Maurel, parmi les jeunes brigands, il se disait qu'après des attaques de magasins ou de passants, des bandits marseillais, dans un geste de défiance vis-à-vis de la police, placardaient des affiches sur les murs avec le slogan suivant :
Outre qu'il permet à des réquisitionnaires d'échapper à la capture, le brigandage induit tout un réseau de connivences qui permet à celles et ceux qui y participent d'en tirer profit selon leur implication : informateur ou receleur, hébergeur ou soutien logistique. L'économie du brigandage met du "beurre dans les épinards" - mais ne permet pas un enrichissement - de celles et ceux qui ne se contentent pas de leurs "métiers" qui, bien souvent, est insuffisant pour survivre. A de très rares exceptions, le brigandage est une activité de pauvres. Faits et méfaitsListe non-exhaustive des actes de brigandages et de la répression contre ses auteurs[12].
Rien à déclarerAprès l'affrontement du 3 frimaire X (24 novembre 1802) à l'auberge de Joseph Icard, les autorités se lancent - à partir de leurs maigres informations - dans une vague d'arrestations pour "complicité d'aide aux brigands". Outre l'aubergiste, les autres locataires de la maison sont suspectés dès le 18 nivôse XI (8 janvier 1803) "d'entretenir des intelligences avec les brigands" et ordre est donné par le préfet de les arrêter. Le 14 ventôse XI (5 mars 1803), un mandat d'arrêt est lancé contre Nanette, sa mère et son parâtre. D'après la note de l'autorité judiciaire, Nanette est "la maîtresse déclarée de l'un" des brigands. Absent au moment de la venue des militaires le 28 ventôse XI (19 mars 1803), François Gacon échappe à l'arrestation mais Thérèse, Suzanne - venue rendre visite à sa famille - et Nanette sont arrêtées, transférées à la maison d’arrêt de Vinon puis à Brignoles[22]. L'arrestation de Jean-Pierre "Turrier" Pons[15], le 18 germinal (8 avril 1803), est un tournant pour les autorités judiciaires. D'abord fuyant, il admet quelques faits. Impliqué entre autre dans la fusillade du 3 frimaire, il est condamné à mort avec quelques autres de ses compagnons. Exécution à Draguignan de François Simeon[16] de Pourrières le 23 germinal (13 avril), Jean Fabre de Ollières le 19 floréal (9 mai), Eutrope Barthelemy de Le Beausset le 5 prairial (25 mai) et Thomas Durand, Sévère Gourin, les frères Jean-Baptiste et Michel Lieutaud, François-Hypolyte Pazery[14], Trophime Romanes, Siméon Silvy, tous de Pourrières, et Joseph "La Serre" Cristin d'Auriol le 22 prairial (11 juin). Croyant pouvoir ainsi sauver sa peau, "Turrier" déclare avoir de nouvelles révélations à faire. Bref, qu'il était prêt à "balancer". Le 14 thermidor (2 août) il se lance dans un long témoignage[23] qui entraîne de très nombreuses arrestations. Avec force détails, il énumère tous les actes de brigandages auxquels il a participé et ceux dont il a entendu parler, et nomme toutes les personnes qui, selon lui, y ont participé. François Gacon, la parâtre de Nanette Escartefigues, est dénoncé comme étant un receleur. Nanette est suspectée par les autorités judiciaires d'être la maîtresse de Tisté Penas et de profiter des butins. A la question du juge qui lui demande s'il est vrai qu'elle est "la maîtresse de plusieurs bandes", Jean Pierre Pons se lâche :
Suzanne Escartefigues est interrogée le 23 thermidor XI (11 août 1803)[24] mais, rapidement disculpée par la balance, elle est libérée le 23 fructidor XI (10 septembre 1803). Thérèse Préveraud, la mère, est interrogée le 28 fructidor XI (15 septembre 1803[25]. Elle déclare ne rien savoir à propos d'objets volés et dit ne pas connaître qui sont le ou les amants de sa fille Nanette. Cette dernière est interrogée le 30 fructidor XI (17 septembre 1803 )[26]. Le juge la questionne pour savoir si elle a connaissance de la présence d'objets volés chez elle et si elle connaît Tisté Penas, son supposé amant. Elle nie pour les objets, admet connaître Tisté Penas qui cultive depuis trois ans des lopins de terre de la famille Escartefigues-Gacon mais sans pour autant le présenter comme son "amoureux". Comme il se doit en de telles circonstances, Nanette ne sait rien, ne dit rien. Ne jamais dire quoi que ce soit à la justice ou la police est le maître mot. Reprenant les mots - ci-dessus - de "Turrier", le juge insiste sur son hypothétique pratique de la prostitution, ce qu'elle rejette catégoriquement. Des trois mise en cause, seule Nanette n'est pas confrontée au délateur "Turrier".
Au long de ces procédures qui eurent lieu de la fin de l'an XI au début de l'an XII, 293 personnes - 56 femmes et 237 hommes - sont entendues, soit en tant que témoin, soit en tant que mise en cause. Parmi ces dernières, la plupart sont issues des couches sociales les plus pauvres et en grande partie illettrées[10]. Sur 56 femmes, 54 - dont Nanette - déclarent ne pas savoir signer, 2 savent. Sur 237 hommes, 132 ne savent pas et 105 savent. Sur ce dernier chiffre, il est a remarqué que 41 font partie des classes "bourgeoises"[27] et qu'elles sont entendues en tant que témoin. A l'issu du procès, les condamnations tombent. [à compléter] Thérèse Préveraud et Nanette sont libérées le 13 ventôse XII[28]. Enrobage romanesqueNotes
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