Nanette Escartefigues : Différence entre versions
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<blockquote>"''Et vous, filles vertueuses, dont la main et le cœur sont promis à ces jeunes défenseurs, ranimez leur courage, faites-les voler au combat ! Tressez-leur des couronnes ! à leur retour, couverts de lauriers, ils seront plus dignes de vous ! Mesurez le degré de votre estime et de votre amour pour eux sur le nombre de leurs hauts faits et de leurs victoires ! Que l'hymen vous unisse alors !''"<ref>Adresse des administrateurs aux jeunes gens du département [des Basses-Alpes], 22 septembre 1793</ref></blockquote> | <blockquote>"''Et vous, filles vertueuses, dont la main et le cœur sont promis à ces jeunes défenseurs, ranimez leur courage, faites-les voler au combat ! Tressez-leur des couronnes ! à leur retour, couverts de lauriers, ils seront plus dignes de vous ! Mesurez le degré de votre estime et de votre amour pour eux sur le nombre de leurs hauts faits et de leurs victoires ! Que l'hymen vous unisse alors !''"<ref>Adresse des administrateurs aux jeunes gens du département [des Basses-Alpes], 22 septembre 1793</ref></blockquote> | ||
− | Les guerre napoléoniennes accentuent la pression contre les jeunes hominines mâles, toujours plus nombreux à mourir pour les rêves de grandeur du nouvel empereur, toujours plus nombreux à refuser de rejoindre les armées. Contraints à une certaine forme de clandestinité, de jeunes varois déserteurs (ou réquisitionnaires) de l'arrière-pays s'organisent en bandes pour résister aux militaires qui les traquent. Régulièrement rejoints par des citadins, déserteurs eux-aussi, à la recherche d'une vie plus "paisible" ! | + | Les guerre napoléoniennes accentuent la pression contre les jeunes hominines mâles, toujours plus nombreux à mourir pour les rêves de grandeur du nouvel empereur, toujours plus nombreux à refuser de rejoindre les armées. Contraints à une certaine forme de clandestinité, de jeunes varois déserteurs (ou réquisitionnaires) de l'arrière-pays s'organisent en bandes pour résister aux militaires qui les traquent. Régulièrement rejoints par des citadins, déserteurs eux-aussi ou "malfrats", à la recherche d'une vie plus "paisible" ! Se forment ainsi des bandes de brigands qui multiplient les vols et les militaires abattus. |
− | <blockquote>"''Nous sommes ici trois réquisitionnaires. On parle encore de nous faire marcher par force. Qu'en pensez-vous ? Que voulez-vous faire ? Quant à moi, je ne marcherai pas, je préfère m'enrôler dans les bandes de brigands. [...] J 'aime mieux mourir ici le ventre plein de poulet, qu'à l'armée le ventre plein de pain de munition''"<ref>Propos de Bremond rapportés par François Ripert lors de son interrogatoire</ref></blockquote> | + | <blockquote>"''Nous sommes ici trois réquisitionnaires. On parle encore de nous faire marcher par force. Qu'en pensez-vous ? Que voulez-vous faire ? Quant à moi, je ne marcherai pas, je préfère m'enrôler dans les bandes de brigands. [...] J 'aime mieux mourir ici le ventre plein de poulet, qu'à l'armée le ventre plein de pain de munition''"<ref>Propos de Louis "La Bédoque" Bremond rapportés par François Ripert lors de son interrogatoire. ''Copie de la procédure...'', Tome I, page 393</ref></blockquote> |
De part sa configuration géographique, l'arrière-pays fournit un endroit idéal pour qu'y apparaisse des phénomènes de brigandage : | De part sa configuration géographique, l'arrière-pays fournit un endroit idéal pour qu'y apparaisse des phénomènes de brigandage : | ||
− | <blockquote>"''Ce brigandage, qui fut l'élément central de l'histoire régionale à la fin du Directoire et dans les deux premières années du Consulat, a sévi surtout, comme il est naturel, dans les zones escarpées et boisées naturellement propices au refuge, et traversées pourtant de routes importantes où circulaient, comme autant de proies, voyageurs riches et commerçante. La région qu'il a intéressée avant tout forme le Nord-Ouest du département du Var, le Nord-Est des Bouches-du- Rhône, le Sud-Est du Vaucluse et le Sud-Ouest des Basses- Alpes. Un quadrilatère Brignoles-Aix-Pertuis-Manosque l'enfermerait assez bien. Géographiquement, c'est un pays complexe, qui va des montagnes de la Sainte-Baume à celles du Lubéron, en passant par ces hautes et ces grands plans arides que traverse le Verdon inférieur avant de se jeter dans la Durance. C'est un pays de transition entre Haute et Basse-Provence, pas encore montagneux sans doute, mais déjà trop froid pour l'olivier. L'on y vivait du blé, du mouton et de la forêt; et surtout l'on voyait s'effectuer une intense activité d'échanges, dont la route d'Italie et la route des Alpes n'étaient que les deux axes principaux, mais pas du tout les seuls, loin de là ! La majeure partie de cette région appartient au Var''"<ref name="#instru">Maurice Agulhon, "Sur l'instruction élémentaire en Provence intérieure au temps du Consulat", ''Annales du Midi'', Tome 76, N°68-69, 1964 (1989) - [http://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1989_hos_2_1_2932 En ligne]</ref></blockquote> | + | <blockquote>"''Ce brigandage, qui fut l'élément central de l'histoire régionale à la fin du Directoire et dans les deux premières années du Consulat, a sévi surtout, comme il est naturel, dans les zones escarpées et boisées naturellement propices au refuge, et traversées pourtant de routes importantes où circulaient, comme autant de proies, voyageurs riches et commerçante. La région qu'il a intéressée avant tout forme le Nord-Ouest du département du Var, le Nord-Est des Bouches-du- Rhône, le Sud-Est du Vaucluse et le Sud-Ouest des Basses- Alpes. Un quadrilatère Brignoles-Aix-Pertuis-Manosque l'enfermerait assez bien. Géographiquement, c'est un pays complexe, qui va des montagnes de la Sainte-Baume à celles du Lubéron, en passant par ces hautes et ces grands plans arides que traverse le Verdon inférieur avant de se jeter dans la Durance. C'est un pays de transition entre Haute et Basse-Provence, pas encore montagneux sans doute, mais déjà trop froid pour l'olivier. L'on y vivait du blé, du mouton et de la forêt; et surtout l'on voyait s'effectuer une intense activité d'échanges, dont la route d'Italie et la route des Alpes n'étaient que les deux axes principaux<ref>La route d'Italie est l'actuelle Nationale 7, la route des Alpes l'actuelle Nationale 96</ref>, mais pas du tout les seuls, loin de là ! La majeure partie de cette région appartient au Var''"<ref name="#instru">Maurice Agulhon, "Sur l'instruction élémentaire en Provence intérieure au temps du Consulat", ''Annales du Midi'', Tome 76, N°68-69, 1964 (1989) - [http://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1989_hos_2_1_2932 En ligne]</ref></blockquote> |
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+ | Les tentatives de venir à bout de ce phénomène par une présence militaire accrue, via des patrouilles et des battues, ne suffisent pas à éradiquer les différentes bandes qui se constituent et n'hésitent pas à s'unir au gré des opportunités et des "bons-coups". Énervées, les autorités française désignent les arbres bordant les chemins nouvel "ennemi intérieur" dont il faut se débarrasser. Le 19 pluviôse VIII, le commissaire du département des Basses-Alpes ordonne aux administrateurs des cantons situés dans l'arrondissement de Digne de faire couper jusqu'à soixante toises (une centaine de mètres) les bois longeant certaines routes. | ||
+ | D'après Joseph-Marie Maurel, parmi les jeunes brigands, il se disait qu'après des attaques de magasins ou de passants, des bandits marseillais, dans un geste de défiance vis-à-vis de la police, placardaient des affiches sur les murs avec le slogan suivant : | ||
+ | <blockquote>"''Nous avons volé, nous volons, nous volerons''"<ref>D'après Joseph-Marie Maurel, ''Le brigandage dans les Basses-Alpes, particulièrement depuis l'an VI jusqu'à l'an X'', 1849, page 23 - [ En ligne]</ref></blockquote> | ||
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Version du 31 mars 2018 à 21:38
[En cours de rédaction] Anne "Nanette" Catherine Escartefigues. Parfois aussi écrit scarchefigue, le terme escartefigue désigne la fauvette becfigue, grande consommatrice de figues qu'elle éventre pour en manger l'intérieur. Le verbe occitano-provençal escarchar signifie "déchirer", "mettre en lambeaux".
SommaireFille du rienAnne Catherine Escartefigues naît le 18 janvier 1774 dans le village de Saint-Martin de Pallières (Var). Surnommée "Nanette", elle est la dernière-née du couple Joseph "Martegau" Escartefigues et Thérèse Justine Préveraud qui ont déjà procréé cinq autres enfants depuis leur mariage en 1762 - quatre mâles et une femelle, selon l'état civil, nés entre 1763 et 1772[1]. Des deux précédents mariages de son père, Nanette possède quatre demi-sœurs qui sont déjà toutes mariées. Martegau exerce le métier de charbonnier et Thérèse celui de blanchisseuse.Après la mort de Joseph en octobre 1774, Thérèse Préveraud se remarie avec François "Franciau" Gacon, charbonnier de métier. La famille recomposée habite une maison à Saint-Martin de Pallières appartenant à Joseph Icard (Ycard) qui y vit aussi et y tient une auberge. En 1788, Suzanne, la sœur de Nanette, se marie avec Claude Gacon et quitte le village pour s'installer à Cuers. Mais après la mort de Claude, elle part s'installer en septembre 1800 à Aix. Elle trouve un travail de domestique chez un charcutier de la ville et n'a que très peu d'occasion de retourner voir sa famille dans le Var. Lorsque le dernier de la fratrie à se marier en 1794 quitte la maison familiale, Nanette reste avec sa mère et son parâtre. Elle exerce aussi l'activité de blanchisseuse pour survivre. Sans savoir si cela relève de la "rumeur" publique et du dénigrement ou d'une réalité, elle "jouit dans le pays de la réputation d'une fille débauchée" selon deux de ses voisines[2], dont l'une d'elles sous-entend que Nanette est une prostituée. Rien de plus n'est connu de la vie de Nanette à cette époque. Mi-novembre 1802, profitant de l'absence du parâtre, deux inconnus s'introduisent dans la maison, menacent Thérèse et violent par deux fois Nanette[3]. Var dévariéLe redécoupage administratif de la Provence après la Révolution française de 1789 et l'annexion de nouveaux territoires[4] instaure à la place quatre départements : les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, les Basses-Alpes et le Var[5]. Dans la région, les oppositions entre royalistes et républicains donnent lieu parfois à des affrontements armés, des pillages ou des assassinats ciblés. La loi du 23 août 1793 sur les réquisitions est votée afin de faire face aux besoins de nouveaux soldats pour se battre contre les anglais et les espagnols, soutiens de la monarchie déchue. Tous les hominines mâles sont ainsi invités à venir gaiement donner leurs vies pour la "patrie en danger". Beaucoup refusent. Ceux qui le peuvent parviennent à fuir à l'étranger, d'autres se cachent dans les grandes villes et d'autres encore préfèrent se réfugier dans les arrière-pays de la côte méditerranéenne varoise. La loi du 4 nivôse IV punit de la peine de mort quiconque incite à la désertion, à rejoindre l'ennemi ou des bandes de brigands et rebelles. Celle du 24 brumaire VI punit d'une amende et de un an ou deux ans de prison toute personne accusée d'avoir caché un "réquisitionnaire" ou aidé à son évasion. Les incitations à rejoindre les rangs de l'armée française sont multiples, faisant appel aux sentiments patriotiques, à la crainte d'une répression féroce ou à la force de persuasion des bonnes "citoyennes" :
Les guerre napoléoniennes accentuent la pression contre les jeunes hominines mâles, toujours plus nombreux à mourir pour les rêves de grandeur du nouvel empereur, toujours plus nombreux à refuser de rejoindre les armées. Contraints à une certaine forme de clandestinité, de jeunes varois déserteurs (ou réquisitionnaires) de l'arrière-pays s'organisent en bandes pour résister aux militaires qui les traquent. Régulièrement rejoints par des citadins, déserteurs eux-aussi ou "malfrats", à la recherche d'une vie plus "paisible" ! Se forment ainsi des bandes de brigands qui multiplient les vols et les militaires abattus.
De part sa configuration géographique, l'arrière-pays fournit un endroit idéal pour qu'y apparaisse des phénomènes de brigandage :
Les tentatives de venir à bout de ce phénomène par une présence militaire accrue, via des patrouilles et des battues, ne suffisent pas à éradiquer les différentes bandes qui se constituent et n'hésitent pas à s'unir au gré des opportunités et des "bons-coups". Énervées, les autorités française désignent les arbres bordant les chemins nouvel "ennemi intérieur" dont il faut se débarrasser. Le 19 pluviôse VIII, le commissaire du département des Basses-Alpes ordonne aux administrateurs des cantons situés dans l'arrondissement de Digne de faire couper jusqu'à soixante toises (une centaine de mètres) les bois longeant certaines routes. D'après Joseph-Marie Maurel, parmi les jeunes brigands, il se disait qu'après des attaques de magasins ou de passants, des bandits marseillais, dans un geste de défiance vis-à-vis de la police, placardaient des affiches sur les murs avec le slogan suivant :
BrigandagesDécidées à en finir avec les bandes qui parcourent la région, les autorités se lancent - à partir de leurs maigres informations - dans une vague d'arrestations pour "complicité d'aide aux brigands". Le 14 ventôse XI (5 mars 1803), un mandat d'arrêt est lancé contre Nanette, sa mère et son parâtre pour "intelligence avec les brigands". Absent au moment de la venue des militaires le 28 ventôse XI (19 mars 1803), François Gacon échappe à l'arrestation mais Thérèse, Suzanne - venue rendre visite à sa famille - et Nanette sont arrêtées, transférées à la maison d’arrêt de Vinon puis à Brignoles.
28 fructidor XI (15 septembre 1803), interrogatoire de Thérèse Préveraud[21] 30 fructidor XI (17 septembre 1803 ), interrogatoire de Nanette[22]
Notes
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